Note de lecture
Note de lecture de Béatrice Marchal sur L’outrage du plaisir
L’ outrage du plaisir rassemble en trois cahiers un ensemble essentiellement constitué de proses poétiques où, non sans aphorismes et humour, Claudine Helft livre sa conception de la vie et de la poésie. Elle nous avertit dès l’exergue : écrire est pour elle un acte de foi dans la vie, que traduisent significativement le titre du premier poème Acquiescement ainsi que l’évocation du matin sur laquelle s’ouvrent maints textes. Oublie tes rêves, appartiens-toi, vis et meurs tout à la fois : c’est à cette condition que l’instant hébergera l’être et que le bonheur d’être deviendra spirituel.
La poète proclame un besoin essentiel de retrouver le simple goût d’être à la vie qui passe par l’évocation de ses amours anciennes ou présentes. Elle fait l’hypothèse qu’il y a pour chacun sur terre une certaine dose de bonheur à épuiser, elle en étudie les modalités et s’il faut payer le prix de la passion, du moins en garde-t-elle, à l’image des alpinistes une fois redescendus, l’émerveillement des hauts sommets. Car rien de plus difficile, pour cette femme qui est de ceux qu’ennuie le quotidien, que préserver cette énorme joie de vivre qui venait du bonheur des corps satisfaits et de la paix de l’esprit. À ce partage sans lequel elle dit ne pas pouvoir vivre heureuse s’oppose d’abord la réalité de la solitude ; le seul malheur est de n’avoir personne à aimer – sans amour tout n’est que survie, làest une conviction majeure de Claudine Helft.
La poète a en outre l’intuition que l’homme est en exil de Dieu ou de quelque chose d’autre, à tel point que dans cette perspective le Bonheur et l’Amour devraient n’être que des moyens. Quant à la mort, elle devient acceptable quand on se sait aimé. Peu à peu on apprend que la mort et les souvenirs font partie des vivants. Ainsi on apprend à ne pas être sans cesse heureux, notamment dans ces moments de mal-être qui la poussent à s’interroger sur la place et la nécessité de la Poésie, qui implique style et travail de mise en forme. Si l’angoisse taraude une Claudine qui se sent vivre hors d’[elle], elle est lucidité ou tristesse mais surtout pas amertume ; née du désir de laisser des traces, elle serésout en écrivant non pas à n’importe quelles conditions, mais en allant là où se trouve la vie, et mon respir.
L’outrage du plaisir est celui que fait à la mort une femme au grand cœur qui, malgré la tristesse, les regrets et l’absence de ceux qu’elle a aimés, croit à la vie – une vie tissée par l’Amour qu’elle conçoit comme tendresse, ferveur, ardeur, passion et capable de déployer la grande carte du Temps contre les forces du mal. Ainsi, sur fond d’une transcendance, gage d’éternité, la vie l’emporte finalement sur tout et, par l’outrage du plaisir qui est aussi essentiellement le fait du poème, Claudine Helft lui adresse ici son hymne le plus ardent.
Béatrice Marchal / Poète, critique littéraire, présidente du Cercle Aliénor /