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La plus belle branche

"Publié pour la première fois en avril 2004 dans le journal Aujourd’hui Poème, ce texte me semble toujours d'actualité. J'y exprime déjà ma conception du poème."
— Claudine Helft

On a souvent tendance à confondre l’ARBRE-POÉSIE avec sa plus belle branche : le POÈME.

Car cet arbre magique distille une quantité de substances artistiques, sentiments et pensées divers. Mais quoique d’aucuns cherchent à nous le faire croire, il n’est pas de poèmes sans mots, il n’est pas de poème sans langage.

Le définir dans son unité et sa variété est une entreprise à laquelle se sont attelés presque tous les poètes de Jean-Claude RENARD, maître du sacré, à Pierre DALLE NOGARE (qui mêle sacré et souillure) à Henri MESCHONNIC, grand maître du rythme, tous se sont essayés à une ou plusieurs définitions toutes valables et toutes imparfaites.

C’est pourquoi, je me suis arrêtée pour ma part à deux formules qui me semblent résumer l’essentiel – et non pas la totalité – d’une réponse impossible. L’une est de Paul VALÉRY : « un langage dans le langage », l’autre est d’Eugène GUILLEVIC, souvent citée et simplifiée : « la poésie (sens du poème) c’est autre chose ». Car toujours l’aventure de l’écrit dans l’histoire du « poème qui fait son poète » (Alain BOSQUET) entraîne vers un ailleurs et un au-delà, lesquels, comme l’amour, sont indéfinissables.

J’ai noté dernièrement une réponse qui m’a « presque » comblée, celle que fit Francis BODDAERT. Lorsqu’en effet, je lui demandai comment détacher le poème d’une certaine forme de prose poétique si courante parmi les écrivains du quotidien actuel, il répondit: « vers, rythme, respiration ». Demeure la tentation de redéfinir « le vers » en l’an 2004, et le rythme (à l’époque de la confusion et du rap). Le respir, oui, demeure sans explication et se décline sous diverses formes.

Et pourtant je demeure infiniment sensible à la défaite du mot, lequel si souvent tue l’objet du dire. Oui, j’ai la tentation de croire que le poème – ou la prière dans le sens le plus large – pouvaient seuls sauver la vérité du mot, puisqu’en le transcendant, il accédait à une autre dimension du cœur et de la pensée humaine.

Les mots créent l’abîme: l’intelligence à l’état pur est dangereuse ; elle arrache l’homme à sa source. Il faut au poème cet « autre chose », ce « langage » qui permet au langage du poème de redécouvrir l’esquisse d’un secret plus vaste, peut-être parce qu’elle est un condensé de l’essence de vie.